En matière de violence domestique, la question qui revient souvent est la suivante :
« Pourquoi ne part-elle pas tout simplement ? »
Pour une femme victime de violence conjugale, quitter une relation abusive est un véritable parcours du combattant. Des études montrent qu'il lui faut parfois jusqu'à sept tentatives avant de réussir à se séparer définitivement de son agresseur. Si, de l'extérieur, la séparation peut paraître simple, de nombreux facteurs psychologiques, financiers, émotionnels et culturels entrent en jeu.
Voici neuf raisons pour lesquelles elle a eu le sentiment de n'avoir d'autre choix que de rester :
1.« J’ai eu peur pour ma vie. »
Quitter une relation abusive représente souvent un danger de mort pour la victime. L'un des principaux facteurs de ces violences est le besoin de domination de l'agresseur. Si son contrôle et son autorité sont menacés, les violences s'intensifient, pouvant entraîner des blessures graves, voire la mort.
2. « Je ne me rendais pas compte qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. »
Parfois, la victime ne se rend pas compte qu'elle subit des violences. Les comportements abusifs sont souvent normalisés, voire attendus, peut-être parce qu'elle a elle-même subi des violences ou a vu d'autres femmes de son entourage subir le même traitement. Pour elle, il s'agit d'un comportement normal et acceptable de la part de son conjoint ou d'un membre de sa famille.
3. « Je n’avais aucun moyen financier de subvenir à mes besoins. »
Les agresseurs coupent souvent les vivres à leurs victimes pour garder le contrôle sur elles, ou leur interdisent de chercher un emploi ou de travailler. La victime se retrouve alors sans ressources, obligée de les demander à l'agresseur, et sans aucun moyen de gagner de l'argent. De plus, certaines victimes sont totalement démunies quant à la gestion financière, ou subissent un lavage de cerveau de la part de leur agresseur qui leur fait croire qu'elles seront incapables de subvenir à leurs besoins. Ce manque de ressources personnelles, combiné à un profond manque de confiance en soi, conduit souvent les victimes de violence à se sentir contraintes de rester, car elles ne pourraient subvenir à leurs besoins ni à ceux de leurs enfants.
4. « On m'a lavé le cerveau pour me faire croire que je ne valais rien. »
Ce problème est présent dans toutes les cultures et toutes les religions. Les femmes subissent souvent des pressions familiales pour rester dans une relation abusive afin d'éviter la honte et le déshonneur. Non seulement cette situation est dangereuse pour la victime, mais elle la prive également de tout soutien.
5. « On m’a lavé le cerveau pour me faire croire que je ne valais rien. »
Les agresseurs font souvent tout pour faire croire à leur victime qu'elle ne vaut rien et que le traitement qu'elle subit est supérieur à ce qu'elle mérite. Ce sont souvent des manipulateurs hors pair, experts dans l'art d'instiller le doute en soi. Plus une victime se sent inutile, moins elle est susceptible de défendre ses droits, ses besoins et ses désirs. « Je croyais que c'était de ma faute et que je le méritais. »
6. « J’étais isolé de ma famille et de mes amis, je n’avais personne vers qui me tourner pour obtenir de l’aide. »
Sur une période de plusieurs semaines, mois ou années, certains agresseurs isolent progressivement leur victime de sa famille et de ses amis, la privant de tout soutien potentiel. Cela leur permet de mieux contrôler leur victime, surtout si celle-ci a le sentiment de n'avoir personne de confiance vers qui se tourner.
Certaines victimes peuvent également souffrir d'isolement culturel, ce qui les empêche d'apprendre la langue du pays ou le fonctionnement de la société. Elles ignorent presque tout des tâches quotidiennes comme prendre les transports en commun ou faire leurs courses. Leurs déplacements limités hors de leur domicile les rendent fortement dépendantes de leur agresseur.
7. « Je croyais que c’était de ma faute et que je le méritais. »
L'agresseur fera tout pour faire croire à la victime qu'elle mérite les violences. Un acte de violence suivi de remarques telles que « c'est toi qui m'as poussé à le faire » ou « regarde ce que tu m'as fait faire » amènera la victime à croire que ses actions ont, d'une manière ou d'une autre, provoqué ces violences. Les agresseurs peuvent également recourir à des raisonnements fallacieux ou à des « justifications religieuses » pour justifier leurs actes. À force de les répéter, les violences finissent par être justifiées aux yeux de la victime.
Malheureusement, dans de nombreux cas, ce phénomène est également renforcé par les familles de la victime et de l'agresseur, qui peuvent parfois dire à la victime qu'elle n'a qu'elle-même à blâmer.
8. « On m’a dit d’avoir du Sabr (de la patience). »
Au sein de la communauté musulmane, les victimes de violence conjugale sont souvent invitées à faire preuve de sabr (patience), car « ce n’est qu’une épreuve d’Allah », et à subir passivement les violences en silence. Cela conduit nombre d’entre elles à croire qu’elles doivent rester avec leur conjoint violent par « devoir religieux », afin de préserver leur mariage ou leur relation.
9. « Le divorce aurait des conséquences néfastes pour les enfants et briserait le foyer. »
Les victimes de violence conjugale sont souvent amenées à croire, sous la pression, que partir ruinerait l'avenir de leurs enfants et briserait leur foyer. On leur fait souvent croire qu'elles sont de mauvaises mères si elles partent et que leurs enfants seront marqués par la stigmatisation du divorce qui persiste dans de nombreuses cultures.
Cependant, on oublie souvent qu'un foyer est déjà brisé en l'absence d'amour et en présence de violence. De plus, être témoin ou victime de violence durant l'enfance peut avoir un impact négatif considérable sur le développement de l'enfant et perpétuer le cycle de la violence domestique.
Si de nombreuses victimes de violences conjugales restent avec leur agresseur, c'est souvent en raison de l'emprise considérable que ce dernier exerce sur elles, rendant leur départ quasi impossible. Bien que cette liste ne soit pas exhaustive, elle révèle fréquemment l'existence d'une combinaison complexe de facteurs.
En tant que communauté, nous devons changer de discours et abandonner les rhétoriques négatives et destructrices que véhiculent des questions telles que « pourquoi n’est-elle pas partie ? ». Nous devons plutôt apprendre à comprendre la situation particulière à laquelle peuvent être confrontées les victimes de violence conjugale et de maltraitance, à reconnaître les signes et à offrir aide et soutien à celles qui en ont besoin.
Si vous ou une personne de votre entourage avez besoin d'aide, déposez votre candidature dès aujourd'hui sur nisafoundation.ca/apply.
Vous pouvez également nous envoyer un courriel à homes@nisafoundation.ca ou nous appeler au +1 888 711 6472. Si vous souhaitez soutenir les clients de la Fondation Nisa, faites un don dès aujourd’hui sur nisafoundation.ca/donate.